Des effets spéciaux dans un kino, un luxe ?

Depuis le début du mouvement Kino, on a vu éclore de nombreux films faisant l’usage d’effets spéciaux. Autrefois dépourvus de subtilité et de sérieux, ceux-ci passent maintenant beaucoup mieux à l’écran et provoquent parfois un véritable envoûtement. Devant cette nouvelle vague de possibilités, on pourrait croire qu’ajouter des effets spéciaux à son film est nécessairement gage de succès. Pourtant, le domaine des effets spéciaux petit budget comporte son lot de risques. Afin de les éviter, j’ai concentré cet article sur les façons d’exploiter judicieusement les effets spéciaux dans une formule kabaret Kino (réalisé en 72h) pour que votre film soit meilleur et non « un film avec plein d’effets ».

Pourquoi intégrer des effets spéciaux ?

C’est la question la plus importante. En tant qu’artiste en effets spéciaux, je suis le premier à poser cette question aux réalisateurs qui m’approchent. Ce n’est évidemment pas pour me sauver du travail, mais bien pour m’assurer de la pertinence des effets. Spécialement face à des moyens limités, certains réalisateurs sentent le besoin d’ajouter une « plus-value » à leur film. Ils veulent que leur film « look mieux » et ajouter un effet leur semble une bonne solution. Je leur réponds habituellement de trouver une meilleure solution.

Les effets spéciaux servent en premier lieu à supporter les fantaisies d’un scénario. Lorsqu’on écrit sans penser aux effets, sans intégrer de fantaisies, on peut difficilement revenir à la fin du processus pour les ajouter. Ça ne collera tout simplement pas. Dans bien des cas, on décide finalement de retirer l’effet du montage parce qu’il change trop drastiquement une scène. Il en résulte un joli gaspillage de temps et d’énergie. Les effets spéciaux font partie de l’univers d’un film et doivent être élaborés dès l’écriture. Évitez d’ajouter des effets pour ajouter des effets. Ayez confiance en votre scénario.

Quels sont les différents types d’effets spéciaux ?

On peut diviser les effets spéciaux en deux grandes catégories. Les effets optiques et numériques.

Les effets optiques

Les effets optiques sont tous ceux qu’on effectue devant la caméra. Ils peuvent être peu coûteux et donnent des résultats souvent surprenants, voire impeccables. Les effets optiques comprennent :

  • Les jeux de lentilles et de miroirs.
  • Les maquillages.
  • Les effets pyrotechniques (à exécuter avec un professionnel).
  • Les effets atmosphériques comme la fumée, la neige et la pluie.
  • Les effets de vitesse (accélérés, ralentis, renversés).
  • Les maquettes et les marionnettes.

    Celles-ci demandent généralement trop de temps pour être fabriquées en kabaret, mais si jamais vous le pouvez, n’hésitez pas. Elles deviennent rapidement réalistes et ont la capacité de charmer le public. On reconnaîtra l’effort dans un acte cinématographique.

Règle générale, il est préférable de réaliser les effets spéciaux directement devant la caméra. Vous obtiendrez de bons résultats plus rapidement et vous aurez plus de temps en post-production.

Bien sûr, si l’effet est impossible à réaliser devant la caméra ou que vous n’avez vraiment plus le temps, il vous faudra faire usage d’effets numériques.

Les effets numériques

Les effets numériques concernent tout ce qui a été ajouté numériquement en post-production. On compte par exemple :

  • Les incrustations sur fond vert.
  • Les remplacements de décors ou d’éléments filmés (matte painting).
  • Les ajouts de coups de feux, lasers et explosions.
  • Les animations 2D/3D.
  • Les métamorphoses.
  • Les effets atmosphériques comme la neige, le brouillard ou la pluie.

Il faut savoir que dans l’ordre de production, les effets spéciaux numériques sont effectués après le montage image et avant le montage son. Il ne vous reste donc qu’une plage très mince de temps pour les effets. Limitez-vous à des choses simples. Si plus tard vous jugez toujours bon d’ajouter certains effets, vous pourrez encore le faire. Vous pouvez aussi réduire votre temps de tournage et de montage pour gagner sur les effets mais c’est un pari risqué.

Quelles sont les différentes utilités des effets spéciaux ?

Que ce soit dans un kino ou dans une production d’envergure, les effets spéciaux sont soit visibles soit invisibles, prévus ou imprévus. De cette distinction on leur confère trois utilités.

Les effets visibles

Les effets visibles servent au spectaculaire. On pense aux explosions, aux vaisseaux spatiaux, aux portails inter-dimensionnels, etc. Il ne faut pas oublier non plus les maquettes et les marionnettes. Ils ont une valeur directe à l’écran et sont souvent les seuls effets considérés par le public. Toutefois, dans le cadre très restreint d’un kabaret, ce type d’effet risque de mal aboutir. Si leur qualité est mitigée, la qualité du film en entier se rabaissera à ce niveau. Planifiez bien vos effets visibles à l’avance, n’ambitionnez pas trop et assumez l’esthétique qui en découle.

Les effets invisibles

Les effets invisibles ont pour but de duper le spectateur en modifiant l’image de façon imperceptible. Ils doivent passer incognito. Ils peuvent toutefois être très complexes et ajouter une grande valeur au film. Par exemple, changer le décor morose derrière une fenêtre par une vue surélevée du centre-ville de New York peut donner toute la crédibilité d’une scène. Ce type d’effet est très utile dans le cadre d’un kino puisqu’on a rarement l’occasion de tourner de manière idéale exactement à l’endroit souhaité. C’est une bonne façon de régler des problèmes insurmontables au tournage tout en gardant un résultat de qualité. Même s’ils sont indécelables par le public, les effets invisibles sont bel et bien visibles à l’écran et ne doivent pas être sous-estimés.

Les effets imprévus

J’ai souligné l’importance de planifier les effets dès l’écriture mais cette catégorie fait exception. Les effets imprévus servent à régler les erreurs de tournage qui menacent la qualité ou la crédibilité d’un plan.

  • Vous tourniez à l’extérieur et un passant a gâché la meilleure prise ? Effacez-le.
  • Vous avez laissé traîner un coffre à outils dans le cadre ? Effacez-le.

Les techniques de retouche sont fortes utiles en kabaret vu les conditions limitées de tournage. Connaître les techniques de base permet de ne pas s’en faire au tournage. On peut alors se dire : Je vais arranger ça en post. Mais une telle déclaration se vaut toujours une valeur ajoutée au temps de post-production. Il reste donc préférable de rester attentif aux erreurs sur le tournage et les corriger sur-le-champ.

Qu’est-ce que ça prend pour faire des effets spéciaux ?

Le logiciel Adobe After Effects et de la créativité.

Adobe After Effects est un logiciel d’animation et d’intégration vidéo. C’est le Photoshop de la vidéo. Il permet de combiner plusieurs couches de vidéos d’une infinité de manière, traiter les fonds verts ou créer des effets de toutes pièces. Adobe After Effects n’est pas le seul logiciel d’intégration vidéo, mais il est un des plus abordables et le plus répandu. C’est un logiciel très complet et une multitude de ressources sont disponibles pour les utilisateurs.

J’ai mentionné plus haut que les effets spéciaux peuvent mettre en scène des maquettes, marionnettes ou autres effets optiques. Pourquoi Adobe After Effects dans ces cas-là? Quel est le rôle du numérique? Dans ces cas, ce sont les fonctions d’intégration et de correction qui sont utiles. Ne serait-ce que pour effacer les câbles d’une marionnette ou pour juxtaposer un acteur devant une maquette, Adobe After Effects demeure un incontournable.

Noter que le domaine des effets spéciaux est semblable à celui de la magie en ce qui concerne la méthodologie. S’il y a des normes et des façons de faire, c’est pour mieux les transgresser. La triche est plus que permise. Sachez que vous ne serez pas les seuls à tricher et à transgresser les règles. Dans cette recherche constante de nouvelles techniques, l’art des effets spéciaux évolue à un rythme fulgurant. Il est donc essentiel de se tenir à jour sur les nouvelles techniques. Consultez des tutoriels en ligne, il y en a une grande quantité (particulièrement pour Adobe After Effects). Sans les suivre à la lettre, ils feront un excellent point de départ.

Voici quelques liens vers des ressources utiles:

Comment choisir l’effet le plus approprié ?

Utilisez les effets en accord avec votre film. Sauf exception, ils ne doivent pas voler la vedette. À moins de faire une comédie satirique, vous souhaiterez sûrement que vos effets soient réalistes. Ne l’oubliez pas lorsque des choix seront à faire sur les effets.

Par exemple, vous tournez un film de fantôme. Vous aimeriez ajouter une apparition surréaliste et vous hésitez entre deux idées :

  • Idée 1 : un portrait dans un cadre prend soudainement vie. La dame du portrait ouvre les yeux.
  • Idée 2 : une dame au bout d’un couloir se dissout en fumée puis disparaît.

À première vue les deux effets sont réalisables. La dame qui disparaît en fumée peut être plus complexe, mais pourquoi ne pas se donner un défi supplémentaire ? Le coup en vaut-il la chandelle ?

Il faut se demander quelques simples questions :

  • Quel est le but de l’effet ?

    Dans ce cas-ci, ajouter une apparition surréaliste. Les deux idées répondent à la demande. Cette question est trop souvent la seule que l’on se pose.

  • Quel effet a la meilleure garantie de convaincre le spectateur ?

    Ici la question se précise. L’effet du visage dans le cadre peut être rapidement convaincant tandis que la dissolution de fumée est plus risquée.

Le point ici n’est pas qu’il ne faut pas prendre de risque, mais la contrainte de temps d’un kabaret force à faire des effets assurément fonctionnels. Si vous tenez tout de même à faire disparaître une dame en fumée, soyez assurés de pouvoir le faire parfaitement et dans les temps ou encore gardez-vous le travail à faire pour plus tard.

Je ne connais rien en effets et je n’ai pas After Effects. Est-ce que je peux quand même mettre des effets dans mon film ?

Bien sûr. Dans un kabaret Kino, il y a toujours des gens motivés à faire des effets spéciaux et ils sont très sympathiques. Parlez-leur de votre projet à l’avance. Ils pourront vous dire si c’est possible ou si une autre option serait meilleure. Toutefois, comme pour le son et la musique, il faut se limiter à des demandes réalistes. Il est important de consulter la personne des effets spéciaux bien avant votre tournage. Si l’effet souhaité n’est pas réalisable, il vous faudra peut-être retoucher votre scénario.

Gardez une bonne communication avec votre spécialiste en effets spéciaux. Mettez-le en contact avec l’éclairagiste ou la maquilleuse. Un effet simple à prime à bord peut devenir impossible si le matériel tourné n’est pas bon.

Après le tournage, pressez votre montage pour pouvoir lui envoyer le plus rapidement possible les plans (de la bonne durée) à traiter. Si le son en dépend, vous devrez recevoir les effets avant ou pendant votre montage son.


Voilà ce qui conclut cet article consacré aux effets spéciaux dans un kino. Maintenant que vous connaissez tout sur le sujet, allez créer et épatez la galerie avec vos effets !


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